Abus de droit : nouvelle définition ?


Patrick Maurice - Entrepreneur, Expert Comptable

Vers une nouvelle définition de l’abus de droit ?

La loi de finances rectificative pour 2008 n°2008-1443, prend en compte l’évolution jurisprudentielle en la matière issue des arrêts Janfin (CE 27 septembre 2006 n°260050) et Société Pharmacie de Chalonges (CE 5 mars 2007 n°284457). Depuis cette loi, l’article L64 du LPF définit les actes constitutifs d’un abus de droit comme ceux qui ont un caractère fictif. Ou il définit encore ceux qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs; qu’aucun autre motif n’a pu inspirer que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales. Charges fiscales que l’intéressé aurait normalement supporté à l’égard de sa situation ou de ses activités réelles; si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés.

En d’autres termes, sont constitutifs d’un abus de droit les actes fictifs. Mais les actes pris dans un but exclusivement fiscal et caractérisant la recherche d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs constituent également un abus de droit.

Abus de droit

Dans un arrêt Halifax de 2006, la Cour de Justice des Communautés Européennes donne une définition de l’abus de droit. Il fait état d’un but essentiellement fiscal. D’aucuns ont alors estimé que la définition française de l’abus de droit était contraire au Droit de l’Union européenne.

Quelle définition par conséquent ?

Au début de l’été 2013, l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la délinquance financière à eu lieu. Quelqu’un a proposé la modification de la définition légale de l’abus de droit; en substituant au but exclusif un but principal. Cette commission a finalement adopté cette disposition dans le cadre de l’adoption de la loi de finances pour 2014. Cependant, cette modification a été censurée par le Conseil constitutionnel. Il a considéré qu’elle portait atteinte à la sécurité juridique du contribuable. En conséquence, la définition légale de l’abus de droit reste à ce jour inchangée.

Précisions

Quoi qu’il en soit, il semblerait que la non-conformité – qui n’aurait en toute hypothèse pu concerner que l’abus de droit en matière de TVA – de la définition française de l’abus de droit au droit de l’Union européenne ne soit pas avérée puisque le terme « essentiellement » contenu dans l’arrêt Halifax ne serait qu’une conséquence de traduction, la Cour ayant affirmé dans un arrêt du 22 mai 2008 que l’abus de droit en droit communautaire visait les montages effectués « à la seule fin d’obtention d’un avantage fiscal », ce qui fait écho à la notion de but exclusivement fiscal.

Pire encore, la définition adoptée fin 2013 n’est pas forcément conforme au droit de l’Union européenne. En effet, la CJCE a reconnu dans l’arrêt Halifax un droit pour le contribuable à l’optimisation de sa situation fiscale. Le contribuable n’est donc pas obligé de choisir la voie fiscalement la plus onéreuse. Or une telle définition l’aurait justement condamné à choisir la voie fiscalement la plus onéreuse.

Enfin, une cette nouvelle définition aurait porté atteinte au Sacro-saint principe de non-immixtion de l’administration fiscale dans la gestion des entreprises et aurait ouvert la boîte de Pandore.
La pratique se veut rassurante. Elle s’accorde globalement sur le fait qu’une nouvelle modification législative en ce sens de la définition est difficilement envisageable.